Les objets de l’analyse du discours

Les analystes du discours travaillent sur des objets très divers.

– Ils peuvent étudier les différents types de discours correspondant aux multiples secteurs d’activité de la société (discours administratif, publicitaire…), avec toutes les subdivisions que l’on veut. C’est à l’intérieur de ces « types » que sont identifiés les genres de discours : ainsi le discours médical (type) englobe-t-il un grand nombre de genres tels que la consultation, l’ordonnance, le compte rendu opératoire, les réunions de service, etc. Types et genres de discours sont pris dans une relation de réciprocité : tout type est en fait un ensemble de genres ; tout genre n’est tel que s’il appartient à un type. Mais la notion de genre recouvre des réalités très diverses ; le journal télévisé ou le guide touristique, par exemple, sont des routines stabilisées par les contraintes attachées à une certaine situation de communication, ils répondent à des besoins précis. En revanche, en littérature ou en philosophie, quand on parle de « genres » pour des catégories comme « élégie » ou « méditation », il ne s’agit que partiellement de routines attachées à une situation : ce sont aussi des manières pour les auteurs de donner un sens singulier à leur texte.

– Ils peuvent étudier les divers genres de discours qui sont à l’œuvre dans une même institution : un hôpital, une école, etc. On a alors affaire à un réseau de genres complémentaires qui interagissent et qui sont constitutifs du fonctionnement de l’institution concernée.

– Ils peuvent aussi étudier des ensembles de textes qui appartiennent à divers genres mais relèvent du même positionnement idéologique (parti, doctrine, courant, mouvement littéraire, etc.). Le discours du Parti socialiste, par exemple, ce sont les divers genres de discours (journal quotidien, tracts, programmes électoraux, etc.) produits par ce positionnement à l’intérieur du champ politique. On est alors dans une optique de lutte idéologique, de délimitation d’un territoire symbolique contre d’autres.

– Les analystes du discours travaillent également avec des unités qu’on pourrait dire transverses, en ce sens qu’elles traversent les textes de multiples genres de discours. Elles peuvent être définies sur la base de critères (1) linguistiques, (2) fonctionnels, ou (3) communicationnels.

(1) On peut en effet classer les textes à partir de critères purement linguistiques. C’est ainsi qu’Émile Benveniste (Problèmes de linguistique générale, 1966) a proposé de diviser les textes en deux grandes catégories, l’« histoire » et le « discours ». Dans le premier cas les énoncés semblent totalement coupés de leur situation d’énonciation (par exemple dans les textes scientifiques, les proverbes, etc.) ; dans le second cas, le texte renvoie constamment à sa situation d’énonciation et utilise massivement les formes du dialogue, « je » et « tu » ou « vous ». Mais on peut aussi classer les textes en fonction du vocabulaire qu’ils emploient ou de la présence de telle ou telle catégorie de mots : par exemple les textes scientifiques utilisent beaucoup les phrases passives et le présent de l’indicatif, les textes narratifs l’imparfait et le passé simple, etc.

(2) On peut également appréhender les textes en se fondant sur des critères fonctionnels. Dans ce domaine, la typologie la plus célèbre est celle des fonctions du langage élaborée par le linguiste russe Roman Jakobson. Il distingue six fonctions : phatique (établir ou maintenir le contact), référentielle (parler du monde hors du langage), métalinguistique (parler du langage), conative (agir sur l’allocutaire), expressive (exprimer les émotions du locuteur), poétique (mettre en valeur la face signifiante de l’énoncé, sa matière) ; dans chaque genre de texte, c’est telle ou telle de ces fonctions qui domine. Ainsi, dans une grammaire, c’est la fonction métalinguistique, dans un fait divers, la fonction référentielle, etc. Dans la pratique, cette typologie séduisante est difficile à manier car la plupart des textes mobilisent plusieurs fonctions à la fois. Il existe d’autres typologies des fonctions du langage que celle de Jakobson ; elles utilisent des catégories psychologiques ou sociologiques : fonctions ludique, informative, prescriptive, rituelle…

(3) Il est enfin possible de travailler sur des catégories de type communicationnel, qui sont définies en combinant des traits linguistiques et fonctionnels : « discours comique », « discours de vulgarisation », « discours didactique »… Même s’ils s’investissent dans certains genres privilégiés, ils ne peuvent pas y être enfermés. La vulgarisation, par exemple, est la finalité fondamentale de certains magazines ou manuels, mais elle apparaît aussi dans les journaux télévisés, dans la presse quotidienne, etc.


آخر تعديل: Monday، 3 February 2025، 11:33 PM