La linguistique structurale s’est, à sa manière, préoccupée du sens des mots et a proposé des approches novatrices (analyse sémique). Mais, par la suite, l’étude du lexique s’est orientée dans d’autres directions, inspirées des recherches cognitives et pragmatiques.

I. Le signe linguistique

Le signe linguistique se caractérise par l’union indissoluble du signifiant et du signifié, corrélative de l’arbitraire du signe. Un signe linguistique satisfait donc à diverses conditions :

a.      être perceptible par les sens et conserver son unité, rester stable à travers toutes ses occurrences ;

b.      avoir une signification ;

c.       être employé à l’intérieur d’une communauté qui le comprend ;

d.      appartenir à un système de signes, une langue naturelle.

On représente en général le signe linguistique à l’aide d’un triangle, dit triangle sémiotique.

                                                                        

                              

On entend par référent ce à quoi renvoie le signe, l’univers non linguistique.  Cet univers ne se limite pas aux seuls objets physiques perceptibles : beaucoup de référents n’existent que par la médiation d’un discours et/ou d’un type de discours ; par exemple, amour ou amitié s’inscrivent dans l’univers du discours, mais ne trouvent leur valeur propre qu’en fonction de ce qu’en dit une société, tandis que déstalinisation n’a de référent que dans et par le discours politique. Dans le triangle, la relation entre signifiant et référent est en pointillés pour souligner que l’appel au référent passe le plus souvent par le signifié, mais qu’il convient de réserver quelques cas comme ceux des noms propres, des mots tabous, des onomatopées, etc.

On parlera de signification pour nommer la relation entre signifiant et signifié (relation, rappelons-le, arbitraire), et on réservera le terme de référence (certains parlent de dénotation) à la relation entre signe et référent. Le signifié (dit aussi sens) est constitué des traits distinctifs sémantiques qui, dans une langue donnée, caractérisent tel signe linguistique par rapport aux autres ; on peut dire également que c’est l’ensemble des critères qu’a retenus une langue pour permettre de repérer le référent correspondant à un signe.

Signification lexicale et grammaticale

Depuis très longtemps, on distingue des mots « outils » (articles, pré­positions...) et des mots « pleins » comme table, vérité, etc. On préfère aujourd’hui distinguer entre lexèmes (ou morphèmes lexicaux) et morphèmes grammaticaux. Ces deux types de signes n’ont pas le même statut. On opposera le caractère fini, « fermé » des classes paradigmatiques de morphèmes grammaticaux au caractère « ouvert » des classes de lexèmes. Les lexèmes voient leurs signifiés évoluer constamment ; en outre, leur nombre considérable fait que chaque locuteur n’en maîtrise qu’une partie. En revanche, les morphèmes grammaticaux sont très stables, peu nombreux et maîtrisés par tous les locuteurs, en règle générale. En fait, la distinction n’est pas absolue dans le détail : des glissements se produisent d’une classe à une autre ; c’est ainsi qu’aller, qui n’appartient primitivement qu’à la classe ouverte des verbes, tend en français contemporain, quand il précède un infinitif, à fonctionner comme un auxiliaire du futur ; il va manger figure dans la conjugaison au même titre qu’il mangera. Aller appartient donc aussi à une classe fermée, celle des auxiliaires.

De plus, tout lexème possède en quelque sorte un « sens grammatical » ; blanc, triste, par exemple, ont un signifié en tant qu’ils désignent une couleur ou un état d’âme, mais aussi en tant qu’adjectifs qualificatifs attribuant une Qualité » à un nom. B. Pottier a ainsi proposé de distinguer dans le signifié substance du signifié et forme du signifié (la signification grammaticale), ce dernier aspect relevant plutôt de la syntaxe. Le lexème banlieue, dans les deux exemples ci-dessous, aurait la même substance, mais non la même forme du signifié : La banlieue (nom) s’étalait à nos yeuxCette ville fait très banlieue (adjectif).

Déficience du triangle sémiotique

Le triangle sémiotique est déficient sur un point capital : il ne peut rendre compte de ces aspects fondamentaux du langage humain que sont les phénomènes de polysémie, d’homonymie et de synonymie. Ce triangle donne en effet l’illusion qu’à chaque signifiant correspond un signifié et réciproquement. Il y a homonymie lorsque plusieurs signes ont le même signifiant (par exemple baie - fruit - et baie - fenêtre), et polysémie quand le même signe a des signifiés différents (par exemple, exquis dans le domaine culinaire et exquis dans l’ordre intellectuel). Inversement, on parle de synonymie quand plusieurs signifiants correspondent au même signifié (auto et voiture, par exemple).

Pour la sémantique lexicale, les mots ont un sens en langue : il y a, sous les différentes occurrences (apparitions) d’un mot en discours, un invariant sémantique, un noyau stable inhérent au mot que l’on peut décrire en relation avec ses emplois et hors emploi. Comment rendre compte de ce sens codé, conventionnel, des unités lexicales ?

Les analyses du sens lexical diffèrent selon les modèles théoriques. On en retiendra trois qui forment le soubassement théorique de la sémantique lexicale. Le premier modèle (la définition par inclusion) et le deuxième (la théorie des prototypes et des stéréotypes) se situent dans une perspective de sémantique référentielle ou sémantique de la désignation : le sens de l’unité lexicale est conçu en termes de traits référentiels, qu’il s’agisse des traits de la définition ou des traits typiques. En revanche, le troisième modèle (l’analyse sémique), est orienté vers la sémantique de la signification : le sens de l’unité lexicale est défini de manière différentielle par les rapports qu’il entretient avec les autres unités du système linguistique, en dehors de la référence. Le cadre théorique de l’analyse sémique est le structuralisme, celui de la sémantique du prototype se rattache au courant cognitif qui se développe à partir des années quatre-vingt.

Lexique et catégories

L’ensemble des référents qui sont dénotés par un mot forment ce qu’on appelle une catégorie. Par exemple, le mot chat ne sert pas à désigner un unique référent dans le monde, c’est-à-dire un seul chat, mais toute une série de référents, c’est-à-dire un ou plusieurs chats parmi l’ensemble des chats du monde. Ces référents partagent certains traits communs, comme le fait d’être un félin, d’avoir des moustaches, de miauler, etc. Il est donc essentiel de pouvoir expliquer quels sont les traits communs que doivent partager les référents afin d’entrer dans une même catégorie. Par exemple, quelles sont les propriétés que doit posséder un félin afin d’entrer dans la catégorie des chats plutôt que dans celle des panthères ou des tigres ? C’est le problème de la catégorisation.


آخر تعديل: Monday، 26 February 2024، 8:48 PM